Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. P. de M.

Je me souviens... Ô doux souvenir amer d'une virée en mer, quand on croyait en nos terres et en nos rois, ceux que j'ai fini par foutre par terre. Parait-il que depuis je suis devenu cynique.
Un bateau fier, un équipage solide et un frère, un frère avec un aplomb inconditionné, une foi sans condition, une certitude profonde dans tout ce qu'on pouvait entreprendre au nom de son pays en voguant sur les flots. C'était il y a fort longtemps, là où notre fierté résidait dans nos actes accomplis et non dans notre égo. Quoique, ma fierté aujourd'hui réside aussi dans ce bateau, mon premier vol. Ce n'est pas un vol dont je suis fier ou dont j'aime me souvenir, c'est seulement l'objet que je chéris le plus au monde, peut-être même plus que mon crochet, mais cela est l'histoire suivante.
On partait pleins d'espoir et de confiance aveugle, naviguant de longues semaines -à moins que ce ne fussent des mois ?- pour trouver ce qu'on nous promettait comme une herbe miraculeuse. On se voyait déjà des héros, des sauveurs. Des gentils, ceux qui gagnent à la fin avec un happy end, destin cruel.
C'est avec mon frère, le fier, borné et infaillible Capitaine Jones, que je débarquai sur une île inconnue, une de celle qui parait merveilleuse et paradisiaque au premier abord avant de laisser apparaitre son visage sombre et assassin. C'est là qu'on a rencontré pour la première fois un enfant bien étrange, Peter Pan, nom que je maudis encore. Il nous avait pourtant averti, la plante que nous cherchions ne sauve pas, elle tue aussi sûrement qu'un cœur écrasé. Il a semé le doute en moi, mais mon frère n'a rien voulu entendre. Abruti endoctriné qu'il était, il a même voulu me prouver que nos rois ne mentaient pas en se blessant avec cette maudite plante malgré mes suppliques.
Ce jour là, il est mort. Peter Pan a reparu, m'a donné un moyen pour le sauver avec un nouvel avertissement "l'eau sauveuse est attachée à cette île", mais cette fois-ci c'est moi qui n'ai pas écouté. Mon frère était en vie et nos certitudes étaient mortes. Seule restait l0envie de vengeance. Mené une rébellion, renversé ce roi qui se moque bien de ses gens et qui trompe. Que de belles idées d'idéalistes stupides nous venaient tandis que nous faisions route vers nos terres, le plus loin possible de l'île maudite du Pays Imaginaire.
Ce jour là, il est mort. Non, pire ! Il est mort deux fois. Une fois de trop pour moi. Je partais d'un principe simple : on ne peut croire personne, dans ce monde on est seul, alors autant vivre sa vie pour soi-seul, le plus égoïstement qu'il est possible. Pourrir celle des autres si possible, ne jamais risquer sa peau et être tranquille, libre. Peut-être que j'avais peur de ne pas avoir les épaules pour mener une révolution, peut-être, mais je m'en fichais. J'ai pris le Jolly Roger, le bateau le plus rapide de toutes les mers, de tous les royaumes. J'ai revetu le pavillon noir. La mer, désormais, c'était mon royaume.
Moi, le Capitaine Killian Jones.

Quelques années plus tard, après bien des aventures, après bien des mensonges et des manipulations, après bien des rires, après bien des femmes... Un port qui aurait pu être comme les autres, une taverne qui aurait pu être comme les autres, une serveuse qui n'était pas comme les autres. Je ne suis pas resté longtemps, je n'en ai pas eu besoin. On buvait, on parlait, on dansait. Je la faisais voyager et sa force enfermée dans ce lieu, comme un marin qui ne peut plus partir en mer, m'a fait rêvé. Le jour de mon départ, c'est elle qui s'est infiltré sur mon bateau pour que je l’emmène, pour qu'elle m'accompagne toujours dans cette vie de pirate, de liberté et de rhum. Je n'ai même pas songé un seul instant à lui dire non.

Elle s'appelait Milah et elle aura toujours une place immense dans mon coeur, dans ma vie. Son époux, celui que je méprisais avec son air de Crocodile, pour ce qu'il avait fait subir à Milah, est même venu la réclamer. Il n'a même pas combattu dans l'honorable combat que je lui proposais pour la belle. Il est partit, comme un lâche. Je pensais ne plus jamais le revoir, je pensais qu'il allait mourir dans son trou à rat.
Mais il restait le fils, Bealfire. Elle a regretté de l'avoir abandonné dès que le bateau a quitté le port. Je lui ai promis qu'on le prendrait avec nous le jour où il sera assez grand.

Ce qu'on a voulu faire, d'ailleurs. Quelques années plus tard, nous sommes revenus, j'étais amoureux d'elle plus que jamais. Mais aucune trace du garçon, ne restait que le Crocodile. Un nouveau combat, sauf que l'homme avait trouvé une arme qui le rendait plus fort, une arme derrière laquelle il se cache pour dissimuler sa lâcheté : la magie du Ténébreux. J'allais mourir par sa main après lui avoir assuré que Milah n'était plus avec moi depuis très longtemps, que je ne me souvenais même plus d'elle pour la protéger. Et c'est elle qui m'a sauvé, avec un marché à son ancien horrible époux.
Et moi, je n'ai pas su la sauver. Le haricot magique qu'on lui promettait, il ne l'a pas pris simplement et fait demi-tour. Non, alors qu'il l'avait déjà perdue une fois, alors même qu'il avait perdu son fils, il a tué Milah. Il m'a coupé la main et s'est enfui à nouveau, croyant avoir ce foutu haricot. Je me suis promis de le tuer, j'ai promis à Milah, perché au dessus de son corps, que je le tuerais.
Ce jour là, je suis devenu le Capitaine Crochet, remplaçant ma main avec les moyens du bord. Et nous sommes partis pour une nouvelle quête, un nouvel objectif qui sera sans doute ultime : la vengeance. Plus rien ne restait que la haine et la vengeance pour oublier la peine. Nous repartions pour le Pays Imaginaire.

Bon, évidemment, dans cette précipitation, je n'ai pas tout de suite anticipé la suite des évènements, notamment sur la manière de repartir, mais là n'était pas la question. Il me fallait ce poison, c'est tout ce qui comptait. Il fallait ce poison, et je n'aurais de cesse que de le savoir dans le corps de ce lâche de Crocodile.
Sauf qu'un élément inattendu m'est littéralement tombé dessus. J'ai repêché un enfant qui venait de chuté du ciel, comme un miracle.
Il aurait pu être ma rédemption, il aurait pu tout me faire oublier, la peine, la haine, la vengeance. C'est fou l'effet que font les enfants sur les adultes aigris. Surtout quand ils s’appellent Bealfire et qu'ils sont le fils tant regretté de l'amour d'une vie. J'ai passé du temps avec lui, je l'ai protégé des sousfifres de Peter Pan, je me suis imaginé dans un autre pays à l'élever comme mon propre enfant. Je lui ai appris presque tout ce que je savais jusqu'à ce que... Jusqu'à ce qu'il me déteste. C'était un enfant qui avait vu son père malheureux, et même s'il était en colère contre cet homme, il l'était plus encore contre celui qui avait "enlevé" sa mère, qui lui avait retiré ce bonheur comme on arrache un pansement sur le coeur.
Alors, tout est revenu. La peine, la haine, la vengeance. Et je l'ai vendu. Oui je l'ai regretté, mais j'ai vendu Bealfire à Peter Pan en échange de ma vengeance. J'ai récupéré le poison et Peter Pan m'a laissé partir de ce Pays Maudit. J'avais toujours perdu Milah et je venais de perdre son fils.

La Forêt Enchantée, quelques temps avant qu’un nuage l’englobe et transporte chacun de ses habitants. J’y rencontre Cora et nous nous allions pour arriver à nos buts. Enfin, nous savions pertinemment tous les deux que nous ne suivons que nos propres intérêts et que cette alliance n’était que passagère, mais j’avais besoin de me souvenir de ma vengeance et elle avait besoin d’un « homme de terrain ». Alors nous avons attendu, 28 ans durant, que la gamine qui devait sauver les habitants de leur sort se décide à le faire.
Et enfin… Enfin, après une course dans la forêt, une escalade d’un haricot magique, un combat contre un géant, une trahison de celle que je pensais trahir, une nouvelle course poursuite, une bataille autour d’un puits, nous avons pu mettre les voiles vers ce fameux StoryBrook.
Dans ce monde, j’ai retrouvé Rumpelstiltskin. Je lui ai planté mon crochet enduit du venin dans le torse. J’ai gagné…

Et je me suis senti vide. D’autant plus parce qu’il a fini par en survivre en tuant au passage mon alliée sur le terrain. J’ai encore essayé de le détruire par tous les moyens, en voulant même détruire la ville. J’ai juste réalisé que je voulais qu’il meure, oui, mais que ce que je souhaitais encore plus, c’était rester en vie. Mais allez expliquer à ceux qu’on a trahi et combattu qu’on a changé d’avis parce que mes intérêts personnels allaient dans leur sens, pour une fois ? Etrangement, la seule qui m’a cru, c’est celle qui, la seule, avait réussi à le tromper.
C’est pourquoi j’étais incapable de dire non quand elle m’a demandé de retourner, encore, sur les terres maudites du Pays Imaginaires pour retrouver sa famille… J’en avais fini de ma vengeance, j’étais juste vide.

Est-ce nécessaire de raconter ce qui s’y est produit ? J’ai sauvé le Prince Charmant en le condamnant à rester sur l’île alors qu’il me détestait. J’ai embrassé la Sauveuse et j’ai avoué mes sentiments devant elle, ses parents et son ancien amant –qui au passage est Bealfire. Et j’ai recroisé le Crocodile que je n’ai même pas essayé de tuer. J’appelle cela une amélioration, non ? On a sauvé Henry, au passage, et on est retourné dans cette ville étrange qu’est StoryBrook où Peter Pan est enfin mort –avec le Crocodile, au passage, et je jure que je n’y suis pour rien.
Sauf que.. sauf qu’on a du repartir « chez nous » dans la Forêt Enchantée. Sans elle, parce qu’elle et son fils n’appartiennent pas vraiment à notre monde. Pire, ils devaient oublier notre monde. J’ai du lui dire au revoir et j’y ai laissé toutes mes bonnes actions des derniers instants. J’ai voulu retrouvé ma vie de pirate, sa loi et sans attache, j’ai voulu trahir tout ce que j’avais fait pour elle, abandonner tout ce qui comptait pour elle. Je n’ai même pas pu m’y résoudre.